Changer d'altitude

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La bonne taille, pour un moine, c’est quand les genoux touchent le sol.

 

Cet effet postural essentiel n’est parfois obtenu qu’au moyen de quelques moyens habiles.

 

Telle nonne, tel moine dépassait d’une tête ou plus le standard humain, de deux têtes le standard japonais.

Tel autre pratiquant était doté d’une masse considérable, dont il ne pouvait s’abstraire.

 

Devrions-nous rejeter dans le neuvième cercle de l’enfer ces individus hors-norme ?

Devons-nous encore vouer aux gémonies les infortunés géants qui cherchent seulement une adaptation à ce monde exigu ?

Est-il approprié de se complaire dans la grandophobie, en cette ère éclairée de l’inclusivité généralisée ?

Pourquoi, et pour encore combien de temps ces féroces manières qui conspuent ceux qui ont la tête plus proche du ciel ?

N’ont-ils pas en partage avec chacun le même pas qui foule la même terre ?

 

À la Boutique Zen de Paris, nous avons décidé d’agir.

Nous voulons repêcher les éminents et les pléthoriques, du pandémonium où ils furent injustement jetés.

 

C’est pourquoi nous avons créé un accessoire plaçant l’équité en meilleure position que ne l’est l’égalité : le rehausseur de zafu.

 

Le zafu, cet antique coussin dont on raconte que le prince Siddhartha lui-même le conçu en rassemblant quelques brassées d’herbes pour les placer sous son séant, le zafu, disions-nous, s’est figé dans une forme quelque peu aplatie et uniforme tandis qu’il transitait d’Ouest en Est.

 

Qui s’en saisit et s’y trouve fort mal assis, ne pouvant susciter l’auguste posture du héros pour l’Éveil, aura d’abord le réflexe, bien judéo-chrétien, de se blâmer lui-même.

« Je ne suis pas à la hauteur de cette galette cosmique, je ne suis qu’un cafard blême souillant ce saint siège, oh ! je suis un misérable inachevé, pourvu de trop rigides segments, oh ! un incapable ! suant de honte devant la lignée ininterrompue des bien-assis… ».

 

Plus tard, peut-être, à force de douleurs atroces, de sesshins gâchées en tortillements et voussures vilaines, cet impétrant de la Voie franchira un grand cap : il remettra en question le zafu standard.

 

C’est le début - d’aucuns anciens ne le savent que trop -, d’une funeste quête au cours de laquelle jamais les rivages de la stabilité dynamique ne seront aperçus au loin.

Il tente… s’acharne… et souffre de mille nouvelles manières.

Il bourre son zafu de kapok…

Puis le tasse…

 

Puis ajoute encore et encore de la matière, jusqu’à obtenir un dôme dodu, si ferme que ses ischions lui en crient reproche.

Il noue brutalement une ceinture autour de son infortuné – et autrefois respecté - palet royal.

L’ayant étouffé, il ne se meurtrit lui-même que plus.

Voilà qu’il est juché plus haut, certes, mais semble tomber à pic d’une falaise.

Et son sacrum, qui exige toujours mobilité discrète au rythme de la respiration, est désormais mis aux fers.

Cela ne va toujours pas...

 

Les pires tentations s’offrent à ce pratiquant gémissant dans les géhennes : l’abandon de toute pratique, ou pire… le petit banc.

 

Ce colosse mérite mieux !

 

Nous lui dédions le rehausseur de zafu, exclusivité mondiale, inventé par un moine-kinésithérapeute dont la modestie nous force à tenir le nom secret.

Le rehausseur de zafu consiste en un disque de jade (en polystyrène extrudé) soigneusement revêtu d’une enveloppe de cotonnade ténébreuse.

Cet ustensile léger comme un pétale de Strelitzia nicolai (oiseau de Paradis), furtif comme un F-117 Nighthawk, incompressible même sous les fesses d’un pléthorique lesté de gen-maï, et d’un coût bien modeste au vu des services infinis qu’il apporte à son détenteur, se glisse astucieusement sous le zafu.

 

En une seconde, une seule, c’est ainsi 4 centimètres incompressibles qui sont gagnés en direction des cieux, et des années de souffrance bien inutiles qui sont épargnées au pratiquant de la Voie.

 

Soudain, son buste trouve sa juste position, ses vertèbres leur parfaite juxtaposition.

 

Des larmes de joie baignent son visage reconnaissant.

Désormais, les genoux touchent le sol.

À présent le menton est rentré, les hanches ont trouvé leur ouverture parfaite, le hara irradie d’énergie et les pouces se rejoignent en une délicate pression.

 

C’est la fin des supplices et le début d’un grand voyage immobile.

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