Or intérieur

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Or intérieur

 

La flamme a quitté l’Altis, le « bois sacré », enceinte vénérée où ont eu lieu les JO tous les 4 ans, de 776 avant J.-C. jusqu’à 393.

Une brève interruption de quelque quinze siècles et une légère translation vers d’autres rives, peut-être moins agréables pour la baignade que celles de l’Élide, ont eu aussi pour effet d’en modifier l’enjeu.

 

Les Jeux Olympiques, comme toutes les autres épreuves de la vie, ont la signification qu’on sait lui reconnaître.

Dans l’imaginaire actuel, autant pour les spectateurs que pour les athlètes, les JO se résument à un point focal, radieux, étincelant : l’or.

Qui va gagner ?

On oublie les années de patiente préparation, les blessures, les sacrifices, les compétitions régionales…

C’est l’heure de la grande révélation. Elle aura lieu au sommet d’une montagne, comme il se doit. Le podium lui-même n’a pas d’autre fonction que de mettre en valeur la première marche, nimbée de lumière céleste.

 

Plus vite, plus haut, plus fort

Dans cette ruée vers l’or, course jalonnée d’infortunées victimes de leurs propres illusions, les vendeurs de tee-shirts et les hôteliers sont les vrais gagnants. Tranquilles, loin des stades, ils empochent les dividendes de la sueur et des larmes.

Pour chaque sport, un seul athlète se joindra à cette fête, le seul gagnant. « The winner takes it all ».

Même la médaille d’argent est un échec. Humilié, le porteur du bronze pensera déjà à dans 4 ans.

Le quatrième, oublié de tous, et pourtant meilleur que 99,99% des pratiquants de son sport, aura l’impression d’avoir raté sa vie.

Le Baron de Coubertin est bien aimable avec son éthique du sport, mais ça ne marche pas comme ça.

 

Le compétiteur sportif est pris dans un jeu aux règles faussées. Il ne peut plus simplement jouer le jeu sans se prendre au jeu.

Il raisonne « moi c’est moi et toi c’est toi », soit le dualisme le plus obtus.

Identifié à ses illusions, le voilà qui se prend pour un américain ou un chinois, en tout cas quelqu’un de vraiment spécial.

Si ça se trouve il croit même être une extension de la marque qui le sponsorise. « C’est un grand jour pour les flageolets Bonduelle, qui gagnent la grande épreuve aérienne, le saut à la perche. »

Son éventuelle victoire se paiera par une rechute très sévère dans l’oubli.

 

Décrocher le soleil

Imaginons les olympiades du zen.

Qui est le meilleur ? Qui surclasse tous ses concurrents ? Amusante question.

Qui est quelqu’un, au juste ?

 

Dans le dojo se livre un autre combat : « moi c’est toi » - et encore ni l’un ni l’autre n’est limité à sa peau, ou à son kimono.

Il faut se mesurer à soi-même pour s’oublier soi-même, y revenir constamment et tenir la distance pour manifester la vraie victoire – qui brille intérieurement, tandis qu’on n’y songe même plus.

L’or olympique n’est qu’une parodie du soleil de la conscience.

La victoire maladroitement cherchée dans les titres est originellement une mise en lumière de l’ignorance.

L’or est symbole de connaissance, lumière de l’aube illuminant les ténèbres, Orient absolu, perfection révélée.

 

Nous avons besoin d’athlètes de la foi et de cette flamme éternelle qui luit dans les ténèbres, pour guider les pratiquants qui persistent à concourir, quoique mal classés, blessés et visant mal la cible.

Quand le Bouddha a achevé son alchimie interne et triomphé de toutes les épreuves, il a gagné l’or pour toute l’humanité.

La victoire de Bouddha (Abanîndranâth Tagore)

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